Prédication
Tout a été donné, il n’y a rien d’autre à attendre.
C’est un peu téméraire et caricatural de résumer ainsi cette parabole, caricaturale elle aussi.
Rappelez-vous:
Deux hommes : le riche, le pauvre
La description dans la vie est précise.
On peut bien se les représenter :
Le riche, très riche qui n'a besoin de rien et qui ne se laisse pas émouvoir.
Le pauvre attend tout et reçoit humblement ce qu’on veut bien lui donner.
Ils existent côte à côte
Et l’un ne veut pas voir l’autre.
Le récit est éloquent : je peux m’y reconnaître moi-même et pas toujours avec le même rôle.
A bien y regarder :
Cela m’arrive,
pris par le tourbillon de la vie, de côtoyer des gens sans les voir, de passer sans même lui dire bonjour à côté du rom qui mendie au bord de la rue qui mène à mon bureau.
Cela m’arrive,
considérant que le problème des réfugiés et des migrants est si politisé et si complexe, de ne plus prêter attention au personne qui tout près de moi cherchent refuse.
Un analyste disait l’autre jour à la radio qu’en Suisse 10% de la population possèdent 75 % de la fortune totale et que les 90 autres % se partagent les 25% restant.
Le riche n’a pas de nom
Le pauvre porte un nom
Lazare : qui signifie « Dieu aide » !
La description du séjour des morts qui fait appel aux représentations de l’époque de Jésus. Montre une situation tout différente.
Il y a une sorte d’inversion.
Attention toutefois de ne pas ériger ce renversement ou cette cristallisation en idéologie.
Le propos de Jésus n’est pas de dire comment les choses seront après la mort,
mais de rappeler aux vivants
quelque chose d’essentiel.
Ce n’est pas à nous de décider qui ira où !
Par ailleurs : se dire que les riches seront un jour miséreux ne produit qu’une fausse et douteuse consolation
aux pauvres d’aujourd’hui.
Ce n’est pas à nous de décider qui ira où, mais c’est à nous de prendre des options pour nos vies, de faire des choix.
Et en vue de ces choix, Dieu a donné tout ce qu’il peut donner.
Nous qui avons entre les mains l’Evangile de Jésus Christ, nous avons, plus encore que les frères de l’homme riche, tout ce qu’il faut pour modifier notre trajectoire.
Pour franchir l’abîme,
Dieu nous tend toujours à nouveau une perche,
en forme de croix.
Choisir ce côté de l’abîme, parce que peu importe la manière dont on le représente,
il y en a un.
Choisir ce côté de l’abîme où les hommes et les femmes ont un nom et se connaissent, se reconnaissent comme partenaires,
cherchent à vire l’amour offert.
Dans ces temps troublés où les repères s’effacent,
où le monde sursaute entre un scandale financier ou automobile et une attaque terroriste,
où la répartition des richesses continue de sembler injuste, et pas seulement dans les républiques bananières.
où les vagues de migrants suscitent l’agitation et la peur
où nous ce qui se passe dans l’Eglise est parfois aussi déroutant que ce qui s’y passait dans les plus sombres époques de son histoire
Dans ces temps troublés,
nous avons tout,
tout pour tenir notre place de femmes et d’hommes appelés à accueillir toujours à nouveau le Christ et sa parole et à en vivre.
Tout pour continuer d’entrer dans la plénitude à laquelle l’apôtre fait allusion dans la lettre aux Ephésiens.
Tout pour savoir que la largeur, la longueur, la hauteur et la profondeur de l’amour de Dieu dépassent largement celle des plus grands abîmes et peut offrir refuge aux plus grandes vagues de migrants
Tout pour accueillir aujourd’hui cette plénitude, et pour la vivre au cœur de nos vies dans les affaires courantes de notre quotidien comme dans la complexité des grands débats qui s’ouvrent devant nous.
On raconte, à propos d’un grand chef d’orchestre reconnu pour l’exceptionnelle finesse de son oreille, qu’il a un jour bluffé tous ses musiciens.
Au milieu d’un passage d’une grande œuvre où tout l’orchestre vibre d’un fortissimo déchainé, mêlant toutes les cordes, tous les bois, tous les cuivres,
Le chef arrête tout d’un geste
et dans le brusque silence laisse tomber : dans ce passage,
seule la petite flûte à bec a tenu sa partition.
L’orchestre du monde est déchainé. Grand et moins grands y font grand bruit. Beaucoup de chahut, de fausses notes de silences amers.
La petite flute pourrait se décourager, se dire à quoi bon m’évertuer, si dans l’orchestre du monde, tout est joué d’avance et faux.
Elle pourrait aussi se dire qu’ à moins d’un miracle…rien ne va changer.
Si je comprends bien, le rôle de la petite flûte est juste de jouer sa partition, au plus juste.
La mélodie de la vie animée,
pardonnée,
sauvée.
Le chant de la paix
Quand l’orchestre déraille, il est important que, dans le calme et la confiance, la petite flûte tienne sa partition.
Fasse entendre
des volées de notes d’amour
et de pardon
les grandes mesures de la vie
donnée toujours à nouveau
Alors ne me demandez pas qui est la petite flûte…
Continuez de jouer…
Amen
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