Lettre à Thomas
Cher Thomas
Cela fait longtemps que j’avais envie de t’écrire. A chaque fois que je relis ce récit dans l’évangile de Jean, je me sens si proche de toi.
Thomas, un prénom unique et spécial pour toi qui justement ne l’es pas…toi le jumeau, la double amande comme le dit le grec, Thomas Jude Didyme.
Toi qui du coup sais si bien ce que c’est lorsqu’on dit : un tel était là, je l’ai vu. Toi qui connais mieux que d’autres le piège de l’apparence physique, j’y reviendrai.
Mais d’abord laisse-moi te dire comme j’ai apprécié les phrases que tu as dites, telles qu’elles nous sont rapportées par Jean. Ton enthousiasme, lorsque Jésus apprenant que Lazare est mort décide de retourner en Judée. Les autres compagnons essaient de le retenir, il risque la lapidation. Mais toi, et je te vois dire cette phrase avec l’enthousiasme et la fougue de ta jeunesse et de ta confiance en Lui, toi tu t’écries : Allons- y et mourrons avec le Maitre.
Un peu plus tard c’est à toi aussi que nous devons l’un des plus beau mot de notre Seigneur, lorsque tu as osé poser tout haut cette question que les autres se posaient en silence : A Jésus qui parle de demeures célestes et qui vous disait : Vous savez ou je vais tu as répondu avec ton bon sens : Seigneur nous ne savons pas ou tu vas, comment pourrions nous en connaître le chemin ?
Et la réponse qu’il t’a faite nous guide chaque jour : « je suis le chemin, la Vérité et la vie On ne vient au Père que par moi. »
Je t’imagine lors de cette entrée triomphale à Jérusalem, un peu abasourdi par la ferveur de la foule, mais inquiet, tu sais combien elle est versatile. As-tu cru toi aussi que le grand jour était arrivé ?
Puis il y a eu ce soir ou vous avez mangé la Pâque dans la chambre haute. Toi aussi tu as eu la boule au ventre lorsque le Maitre a dit que l’un de vous le trahirait, avec les autres tu as demandé, est-ce moi Seigneur ?
Lorsque Judas est sorti il y a eu comme un courant d’air glacial .
Alors le temps s’est accéléré, la nuit à Gethsemani, tes yeux étaient si lourds, sans doute comme les autres étais tu partagé entre l’attente et la peur. Les gardes, le baiser, l’arrestation. Pierre qui tente quelque chose et Jésus qui le retient.
Thomas, un jour je te demanderai si tu t’es tenu là dans la foule ce jour terrible, ou si tu t’étais enfui. Ou plutôt non, quand nous nous verrons tout cela n’aura plus aucune importance.
J’aimerais juste encore te dire merci, et c’est là l’objet de ma lettre, te dire merci pour cette rencontre avec le Ressuscité, toi mon frère de doute et de foi.
Après le jour terrible il a fallu que tu reviennes vers tes frères. C’était si fort ce qui vous liait, si forte avait été l’espérance de ce royaume nouveau, si puissantes les paroles les guérisons, tu avais véritablement entrevu ce monde nouveau. Alors tu es revenu.
Réunis chez l’un d’entre vous, là ou vous en aviez l’habitude, ils étaient agités, fébriles, ils racontaient sans fin cet épisode : Jésus était leur était apparu, il leur avait parlé.
Un sentiment amer a saisi ton cœur : pourquoi à eux ? et puis toi comme moi on sait bien que l’apparence peut tromper. N’était ce pas simplement un sosie ?
Alors tu les as provoqués : si je mets pas mes mains dans la marque des clous, je ne croirai pas !
Il a fallu 8 jours, durant lesquelles tes pensées oscillaient entre croire ce que disaient les frères, tu en avais tant le désir ! et puis les doutes de ton esprit pratique : on n’a jamais vu un mort revenir à la vie.Ces tourments du cœur, crois-moi, ils ne me sont pas étrangers…
A nouveau réunis dans la pièce, portes fermées, tout à coup il y a eu cette présence, et soudain vous n’étiez plus que tous les deux, le Maitre et toi. C’est à toi seul qu’il s’est adressé, plus personne n’existait pour toi .. Et tu le sais il voyait jusqu’au fond de ton coeur, cette impossibilité, ce doute, cette ombre.
Je vais te dire Thomas, c’est toujours et encore le cas pour chacun de nous. Ce moment de face à face, intense, cette présence qui s’impose et qui nous met à genou. Ce regard qui perçoit les plus infimes oscillations de notre pensée. Cette aspiration à croire et le doute toujours présent , cette raison qui nous murmure : » c’est une folie. »
Merci. Merci d’avoir retenu ta main, gardant avec Lui cette distance qui sera à jamais celle du mystère, la mesure de la foi.
Dans le silence, agenouillé vaincus par l’amour irradiant, sautant dans cet espace, nous aussi nous murmurons : « Mon Seigneur et mon Dieu »
Et comme le dit Paul : C’est là la victoire remportée sur le monde, c’est notre foi.
Désormais nous faisons partie de ceux-là qu’Il t’annonçait ainsi: heureux ceux qui n’ont pas vu, et qui ont cru. Mais grâce à toi c’est un peu plus facile : Si toi qui avais vécu avec lui tant de choses tu as hésité, peut-être que nos propres incertitudes trouvent grâce à nos yeux.
Il parait que par la suite tu es parti porter la bonne nouvelle de la Résurrection en Orient, dans ce pays de Syrie dévasté aujourd’hui. Mais des gens encore y croient. Même faible , elle est vivante la flamme que tu as allumée, avec l’aide de l’Esprit Pour beaucoup elle est la seule espérance.
Est-ce que tu le sais d’où tu es ? On a même écrit en ton nom un Evangile qui se termine par cette belle sentence de Jésus « : soyez passants… »
Thomas, je te quitte pour aujourd’hui.
Un jour j’en suis sûre nous nous verrons, dans la lumineuse explosion de la Résurrection, parce que toi et moi suivons ce même chemin, celui qui est la Vérité et la vie.
Thomas, mon frère, reçois mes amicales et reconnaissantes salutations.
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