Recueillement biblique
Texte : Luc 24, 13-35
Imaginons la scène.
60 stades, soit à peu près deux heures de marche. Un soleil de plomb, un chemin poussiéreux, des cailloux tout secs et un paysage aride qui s’étend à perte de vue…
Au milieu, deux déprimés marchent en traînant les pieds. Ils rentrent chez eux, déçus, tristes, abattus. Ils avaient tout abandonné pour suivre un homme qui serait le héros d’Israël et bouterait les Romains hors de Judée.
Mais leur héros, tout Jérusalem le sait, a été crucifié, sur ordre de Pilate, avec la complicité des chefs de la religion juive.
Ils discutent ensemble. Ils sont sidérés. Comme nous il y a quelques semaines quand nous avons vu se fermer en l’espace de quelques jours nos écoles, nos bibliothèques, nos magasins, nos restaurants, nos églises…
Survient alors un troisième homme.
Il fait route avec eux. Il leur donne la parole afin qu’ils puissent raconter les événements, non pas exactement tels qu’ils se sont réellement passés, mais comme ils les ont vécus dans leur cœur et dans leur être.
Lecteurs, lectrices, nous savons qu’il s’agit de Jésus. Mais eux ne le reconnaissent pas, tout centrés qu’ils sont sur leur peine, leur déception…
Un peu comme nous en ce moment. Nous venons de vivre nos premières fêtes de Pâques confinés, sans voir nos familles ni nos amis, sans rejoindre nos communautés. Nous sommes centrés sur ce que cela nous a fait, comment nous l’avons vécu, et nous nous interrogeons sur comment les autres l’ont vécu… sans nous !
S’il y a bien une personne à qui on peut se confier en ce moment, à qui on peut dire, sans pudeur, sans honte, sans réserve, ce qu’on a vécu, ce qui nous a fait du bien et ce qui a été vraiment très difficile, c’est bien Jésus. Lui est prêt à nous écouter sans nous juger, sans se comparer. Lui peut entendre que peut-être, on a été très triste, mais aussi que peut-être, on a été soulagé de ne pas se retrouver au milieu d’un énième repas de famille.
Mais les disciples d’Emmaüs ne s’arrêtent pas à exprimer leurs états d’âme. Après avoir déposé ce qui encombrait leur coeur devant l’inconnu, ils vont pouvoir l’écouter et percevoir ce qu’il essaie de leur faire comprendre.
Les voilà arrivés à destination. Comme dans nos vies, Jésus ne s’impose pas, il fait mine de partir. Mais les disciples lui ouvrent leur porte. Leur coeur, mis en appétit par l’enseignement de l’inconnu, a faim de partager leur pain avec lui. Et là, à la fraction du pain, leurs yeux s’ouvrent et ils comprennent que les femmes à l’aube ont dit vrai, que le Seigneur est ressuscité, qu’il est vraiment ressuscité. Aussitôt qu’ils comprennent, Jésus disparaît.
Et cette nouvelle déborde de leur coeur, déborde de leur vie. Ils sont eux-mêmes, osons le dire, ressuscités. Et ils ont besoin de partager ce qu’ils viennent de vivre. Bien qu’ils aient parcouru 60 stades avec peine en fin d’après-midi, d’un pas léger dans la nuit tombante, puis au clair de lune, ils vont de nouveau les franchir, j’ai presque envie de dire "les survoler" tant leur retour semble rapide.
La rencontre avec Jésus a mis, a remis les deux disciples en chemin. Un chemin de témoignage et de partage.
Et nous, quel sera notre chemin lorsque nos portes s’ouvriront de nouveau ?
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